« En fait, il a l’air d’avoir glissé sa tête dans le trou d’un décor représentant naïvement, dans une petite foire de province, une chasse au lion. » Ainsi Olivier Rolin décrit-il le chasseur de lions, un type pourvu d’une grosse moustache de morse et de larges favoris, qui en 1881 avait été représenté par Édouard Manet dans le tableau intitulé Monsieur Pertuiset, Le Chasseur de Lions. Les aventures d’Eugène Pertuiset occupent la place centrale dans De leeuwenjager en Manet, le dernier roman de Rolin, traduit par Katelijne De Vuyst. Il est évident que Rolin ne prend pas tout à fait au sérieux le modèle du peintre.… > Lees verder
La mise à distance du monde: entretien avec Michel Houellebecq
Auteur de cinq romans aux titres abstraits et mystérieux, dont Les Particules élémentaires et Plateforme, Michel Houellebecq a profondément marqué la littérature française des quinze dernières années par son réalisme brutal et son lyrisme sévère. Dans un entretien avec son traducteur néerlandais attitré, Martin de Haan, il parle librement de son dernier roman, La Carte et le territoire, prix Goncourt 2010.
Dans notre entretien d’Almería de 2003, nous avons beaucoup parlé de la représentation du monde. Je te cite : «Mon matériau, ce n’est pas vraiment le monde. On ne peut en parler. Le monde, c’est aussi l’ensemble de ce qui a été écrit sur le monde.»… > Lees verder
La grande Pléiade de Milan Kundera
Lire Milan Kundera, c’est lire l’histoire du roman – c’est-à-dire l’histoire de l’art du roman, car lui-même ne se lasse pas de souligner que le roman n’est pas un simple genre littéraire parmi d’autres, mais un art autonome, indissolublement lié à la modernité occidentale et qui se distingue par l’attention particulière qu’il porte à l’existence concrète de l’homme dans le monde. Tout roman digne de ce nom est alors la découverte d’un pan d’existence jusque-là dissimulé, et l’histoire du roman, l’histoire de ces découvertes.
Kundera n’est pas un théoricien de la littérature. S’il a écrit quatre grands essais sur cet art qui lui est si cher, de L’Art du roman (1986) à Une rencontre (2009) en passant par Les Testaments trahis (1993) et Le Rideau (2005), c’est avant tout en praticien qui veut nous faire part de ses réflexions et de ses sources d’inspiration.… > Lees verder
La traduction et son double
« Traduire des livres – construire des ponts ». C’est sous ce titre que l’Institut Goethe présente un petit programme de soutien aux traducteurs de l’allemand. On comprend tout de suite qu’il doit s’agir d’une métaphore : traduire des livres, c’est construire des ponts permettant d’enjamber l’abîme entre les langues et les cultures ; image bien goethéenne dans son principe, légèrement conventionnelle il est vrai, mais qui nous change un peu de cette autre image, celle du traducteur comme passeur d’eau. Les deux images ont d’ailleurs ceci en commun qu’elles nous proposent un monde simple et binaire dont l’harmonie pré-babylonienne serait à portée de main, par le biais des traductions.… > Lees verder
Julien Gracq, ‘La sieste en Flandre hollandaise’, préface
Publié pour la première fois en février 1951 au Mercure de France puis repris en 1958 dans la seconde édition de Liberté grande, « La sieste en Flandre hollandaise » est un petit texte phare dans l’oeuvre de Louis Poirier, alias Julien Gracq (1910-2007). C’est en mai 1940 que Gracq, lieutenant de l’infanterie française chargé d’une mission de défense dans les bas pays, découvre la Flandre zélandaise, lisière du territoire néerlandais située entre la Belgique et l’Escaut occidental ; il y passe trois jours qui lui laissent « une impression persistante, étrange », comme il écrira plus tard après une nouvelle visite en Flandre à l’invitation de l’écrivain gantois Suzanne Lilar, la dédicataire du texte.… > Lees verder
Traduire, en Europe
« La langue de l’Europe, c’est la traduction. » La citation archiconnue vient d’Umberto Eco, à qui l’on prête aussi la variante moins battue : « La langue de l’Europe, c’est le mauvais anglais. » Ensemble, ces deux sentences résument assez bien la situation linguistique et culturelle du vieux continent. Tout le monde parle anglais ou croit le parler, et en même temps les citoyens européens connaissent très peu leurs voisins, d’où un grand besoin de traductions – et de traducteurs.
La traduction littéraire est avant tout un art du voyage. Voyage linguistique, voyage culturel aussi, où le texte qui se déplace arrive à sa destination changé, prêt à commencer une nouvelle vie.… > Lees verder