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Le second degré: Michel Houellebecq expliqué aux sceptiques

    Tout art, comme toute science, est un moyen de communication entre les hommes. Il est évident que l’efficacité et l’intensité de la communication diminuent et tendent à s’annuler dès l’instant qu’un doute s’installe sur la vérité de ce qui est dit, sur la sincérité de ce qui est exprimé (imagine-t-on, par exemple, une science au second degré?).
    – Michel Houellebecq, ‘Approches du désarroi’ 

    Ah, oui, c’était au second degré! On respire…
    – Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte

Michel Houellebecq a l’art de défrayer la chronique. L’auteur sulfureux d’Extension du domaine de la lutte, des Particules élémentaires et de Plateforme doit l’attention soutenue des médias en grande partie aux points de vue litigieux exprimés dans ses romans par certains de ses personnages, points de vue qu’il ne semble que trop aisé de prêter à l’auteur lui-même.… > Lees verder

‘Je sentais la sacristie’: Pierre Michon et le Très-Haut

Dieu s’est absenté. La sécularisation progressant depuis des siècles, l’Église a perdu son ascendant quasi-naturel sur les hommes; selon la formule de Max Weber, le monde occidental s’est “désenchanté”. La plupart des hommes n’énoncent plus le sacré dans leurs paroles de tous les jours ; ce qui les dépasse, les terrifie ou les rassure, les inspire, ils ne l’attribuent plus à une divinité nommable.

C’est pourtant Lui que Pierre Michon convoque dans ses livres, depuis Vies minuscules (1984) jusqu’à La Grande Beune (1996), en passant par Maîtres et serviteurs (1990) et Rimbaud le fils (1991). Que ce soit à propos de la vie de paysans illettrés ou de celle de peintres et d’écrivains, Michon évoque ou en appelle à Dieu – sous des espèces très diverses.… > Lees verder

La violence bridée de Cioran

À la mort de l’auteur franco-roumain E.M. Cioran, survenue en juin 1995, certains commentateurs ne se sont pas arrêtés aux prévisibles éloges mortuaires sur cet ‘orfèvre en vacuité’, ce ‘dandy du doute’, ce ‘chevalier du taste-rien’, mais ont tenté de mettre en relief l’œuvre d’après-guerre, écrite en français, par la confrontation avec les textes d’avant-guerre, écrits en roumain (et seulement traduits en français depuis la fin des années ’80). Ainsi, Ramona Fotiade,[1. Ramona Fotiade, ‘Behind the veil of aristocracy’, Times Literary Supplement, 6-10-1995] dans une généalogie lucide des textes de jeunesse, montre comment les crises nationaliste et religieuse dont Cioran fut secoué dans les années ’30 ont créé le douloureux fond de mémoire que les aphorismes français auraient eu pour tâche de recouvrir; Pierre-Yves Boissau[1.… > Lees verder

Batavus Droogstoppel, Max Havelaar: la double face du calvinisme

L’anticolonialisme, devenu dominant en Hollande dans l’après-guerre, ne fait décidément plus l’unanimité. Depuis peu, des commentateurs s’élèvent pour énumérer les vertus de l’ancien régime colonial, d’ex-colonisés expriment ouvertement leur nostalgie de la soumission à la mère patrie, et la générosité relative qui longtemps présidait aux rapports des Pays-Bas avec le tiers-monde se trouve de plus en plus contestée au sein même du gouvernement centre-gauche actuel. Dans ce contexte, il peut être intéressant de relire ce qui est sans doute la meilleure exposition littéraire du conflit séculaire qui oppose, dans la culture néerlandaise, l’égoïsme intéressé à l’altruisme moralisateur : le roman anticolonialiste Max Havelaar, « le Havelaar », comme on dit, pour marquer par cette substantivation que ce texte est digne du statut de classique.… > Lees verder

Qui a peur de la traduction?

Qui a peur de la traduction? En tout cas pas ceux qui l’étudient de façon professionnelle, dirait-on. Toutefois, c’est le contraire qu’on se voit obligé de constater en lisant ces Actes. Il paraît en effet que la traduction en tant que telle n’est plus guère qu’un prétexte pour maint théoricien de la traduction littéraire. Si tous s’accordent pour comprendre le phénomène en question comme l’acte de rendre le même texte dans une autre langue, c’est moins sur la nature de cet acte que sur sa fonction que se concentrent les recherches actuelles. Précisons tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un simple caprice: toute traduction impliquant une prise de position normative (la représentation totale de l’original étant impossible), on supposera sans peine que ce sont en dernier lieu les besoins de la culture cible qui dictent les règles du jeu – d’où la légitimité, voire la nécessité d’une approche pragmatique.… > Lees verder

L’inconscient philosophique

Cette étude sur la philosophie en Europe, qui brosse un tableau de dix-neuf philosophies nationales présentées par des commentateurs locaux (et complété par quelques articles généraux d’objet et d’intérêt divers), se trouve être un bel instrument pour mesurer les obstacles à une pensée ‘sans frontières’. Elle se prête, par exemple, à comparer l’état actuel d’une tradition philosophique largement connue mais difficile d’accès, comme la tradition française, avec celui d’une tradition beaucoup moins connue mais très accessible, comme la tradition néerlandaise. Que cache le mot ‘philosophie’ dans deux pays aux histoires culturelles si différentes?

Le philosophe D. Janicaud, auteur de l’article sur la France, fait défiler sur quarante pages un grand nombre de noms propres et de concepts qui ont eu cours parmi les philosophes français ces quinze dernières années.… > Lees verder