Publié pour la première fois en février 1951 au Mercure de France puis repris en 1958 dans la seconde édition de Liberté grande, « La sieste en Flandre hollandaise » est un petit texte phare dans l’oeuvre de Louis Poirier, alias Julien Gracq (1910-2007). C’est en mai 1940 que Gracq, lieutenant de l’infanterie française chargé d’une mission de défense dans les bas pays, découvre la Flandre zélandaise, lisière du territoire néerlandais située entre la Belgique et l’Escaut occidental ; il y passe trois jours qui lui laissent « une impression persistante, étrange », comme il écrira plus tard après une nouvelle visite en Flandre à l’invitation de l’écrivain gantois Suzanne Lilar, la dédicataire du texte. Ce pays qui n’en est pas un, « robe verte » sans couture ni repère, restera pour lui l’endroit rêvé de l’expérience poétique par excellence : l’absorption du Moi dans le monde sensible, l’accession à l’Indifférence, l’apparition de la « plante humaine ». Le quiétisme gracquien n’est pas sans rappeler le bouddhisme Zen – à ceci près qu’il ne s’agit pas d’une aspiration permanente ; de temps à autre, il faut aussi écrire des romans.
[Préface à La sieste en Flandre hollandaise, texte français avec la traduction de Martin de Haan. Alliance française des Pays-Bas, automne 2010. Lire aussi la version néerlandaise et un extrait de la traduction.]