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Cripplewood / Kreupelhout, J.M.Coetzee

Cripplewood.omslagKreupelhout n’est pas du bois mort. Bois mort, deadwood: dans la mythologie du Far West américain, la ville des espoirs décus où tous les chemins finissent. Le kreupelhout, au contraire, est vivant. Comme tous les arbres, le kreupelhout aspire au soleil; mais quelque chose dans ses gènes, un mauvais héritage, un poison, tord son ossature.
En anglais comme en néerlandais, il y a un embrouillamini lexical autour des mots kreupelhout – kromhout / cripplewood – gnarlwood (gnarles, knurled, knarled: le même mot dans différentes variantes):
(1) kreupel – kruipen / creep – crouch – crutch (kruk)
(2) gnarl < gnarled, snarled (knotted) / knoers < knoestig
(3) snarl: (1) a snare (trap), (2) a tangle, knot (of hair) / knoop: knobbel, kwast (knoest), kluwen
Le kreupelhout qui ne peut se redresser, qui croît courbé, accroupi; dans les membres desquels nous découpons des béquilles (crutches) pour ceux qui ne savent que ramper (creep); arbre étêté (knotted), noueux (gnarled), galeux (snarled).… > Lees verder

Le monde est un pervers polymorphe, Olivier Rolin

« En fait, il a l’air d’avoir glissé sa tête dans le trou d’un décor représentant naïvement, dans une petite foire de province, une chasse au lion. » Ainsi Olivier Rolin décrit-il le chasseur de lions, un type pourvu d’une grosse moustache de morse et de larges favoris, qui en 1881 avait été représenté par Édouard Manet dans le tableau intitulé Monsieur Pertuiset, Le Chasseur de Lions. Les aventures d’Eugène Pertuiset occupent la place centrale dans De leeuwenjager en Manet, le dernier roman de Rolin, traduit par Katelijne De Vuyst. Il est évident que Rolin ne prend pas tout à fait au sérieux le modèle du peintre.… > Lees verder

Pierre Michon: L’expatriation littéraire

La discussion sur la réception de l’œuvre michonnienne au-delà des frontières françaises, je voudrais l’étendre ici à la question des enjeux littéraires de la traduction de cette œuvre. J’essaierai ce faisant de concilier deux points de vue divergents, une perspective externe et une perspective interne aux textes, strabisme qui est le lot de tout traducteur puisque tout traducteur combine la distance d’une position excentrique, étrangère à la culture et à l’histoire littéraire dans laquelle s’insère l’œuvre à traduire, et la proximité d’une fréquentation assidue et pointilleuse de cette œuvre. Autrement dit, il ne suffit pas de ‘bien traduire’; encore faut-il réfléchir sur ce qu’on traduit et sur ce que traduire veut dire.… > Lees verder

La beauté difficile – quelques problèmes de lecture dans Vies minuscules

Rokus Hofstede: – Je veux vous dire d’abord que ça va être une intervention largement improvisée. Si j’ai été annoncé dans la catégorie des universitaires, c’est parce qu’il n’y avait pas de catégorie spéciale pour les traducteurs ; j’ai fait dans un lointain passé des études de sociologie mais pour ce qui est de la traduction, je suis un parfait dilettante. Je ne suis donc pas habitué à avoir un micro à la main et à parler devant des salles pleines comme celle-ci. Comme je ne me propose pas de faire un discours magistral sur la littérature en général et celle de Pierre Michon en particulier, mais plutôt de vous faire partager quelques expériences de traduction, je vais consacrer le gros de mon temps à vous donner des exemples concrets de problèmes d’interprétation et de compréhension que j’ai pu rencontrer en traduisant Vies minuscules en néerlandais.… > Lees verder

‘Je ne pus qu’amèrement m’extasier’: traduire Michon en néerlandais

Parmi les différentes formes de plaisir que procure la lecture, Roland Barthes, dans son essai ‘Sur la lecture’,[1. R. Barthes, ‘Sur la lecture’, in : Le bruissement de la langue, Essais critiques IV, Seuil, Paris, 1984.] distingue, à côté de la lecture métaphorique ou poétique du texte (qui relève du fétichisme) et du plaisir métonymique de la narration (le suspense), le désir que provoque le texte lu d’écrire soi-même: nous désirons, dit Barthes, le désir que l’auteur a eu du lecteur lorsqu’il écrivait, nous désirons le aimez-moi qui est dans toute écriture. Aucun lecteur sans doute n’est saisi d’un tel désir au même degré que le traducteur: son désir, produire un texte digne d’être aimé, est directement proportionnel à l’aimez-moi investi dans le texte à traduire.… > Lees verder

‘Je sentais la sacristie’: Pierre Michon et le Très-Haut

Dieu s’est absenté. La sécularisation progressant depuis des siècles, l’Église a perdu son ascendant quasi-naturel sur les hommes; selon la formule de Max Weber, le monde occidental s’est “désenchanté”. La plupart des hommes n’énoncent plus le sacré dans leurs paroles de tous les jours ; ce qui les dépasse, les terrifie ou les rassure, les inspire, ils ne l’attribuent plus à une divinité nommable.

C’est pourtant Lui que Pierre Michon convoque dans ses livres, depuis Vies minuscules (1984) jusqu’à La Grande Beune (1996), en passant par Maîtres et serviteurs (1990) et Rimbaud le fils (1991). Que ce soit à propos de la vie de paysans illettrés ou de celle de peintres et d’écrivains, Michon évoque ou en appelle à Dieu – sous des espèces très diverses.… > Lees verder