[…] Ici, je voudrais insister sur une difficulté propre à la traduction du français en néerlandais qui dans les présentes conférences latouriennes nous place devant un défi continu, concernant notamment le traitement de la phrase, de la façon de dire et de penser d’une langue à l’autre, où se présente une différence essentielle entre d’une part les langues romanes mais aussi l’anglais, et d’autre part le néerlandais et l’allemand (pour faire court, et même si le phénomène est donc plus large que ça, je présenterai la question comme une opposition FR – NL). En français, par exemple dans cette même phrase que je suis en train de produire, le sujet et le verbe se mettent généralement plus ou moins en tête de la phrase, et cela également dans la phrase subordonnée, ce qui a le mérite d’être extrêmement clair, car le sujet et le verbe contiennent quand même le cœur de la phrase.… > Lees verder
Le sexe comme métaphysique : Michel Houellebecq
Ses héros s’appellent Auguste Comte et Arthur Schopenhauer. Il connaît comme personne les Pensées de Pascal. Nietzsche l’irrite, sans doute parce que c’est un concurrent trop direct. Il cite volontiers Kant aussi, sur l’immoralité du suicide par exemple : « Détruire en sa propre personne le sujet de la moralité, c’est chasser du monde, autant qu’il dépend de soi, la moralité. »
Il n’est pas exclu que Michel Houellebecq soit un romancier philosophique, un romancier qui, dans son œuvre, illustre, développe ou réfute les idées de certains grands penseurs. Nombre d’éléments plaident en ce sens : la présence évidente de thèmes et de concepts philosophiques dans ses romans, l’aplomb avec lequel il énonce des vérités universelles et, bien sûr, les réactions du public à son œuvre, tout aussi péremptoires et immanquablement exprimées dans les termes très catégoriques (et philosophiques) du vrai et du faux, du bien et du mal.… > Lees verder
Traduire, Houellebecq
On nous dit que les traducteurs font circuler les œuvres.
Certes. Au mois de mars 2015, quittant ma retraite de l’Oberland zurichois avec vue imprenable sur le lac, celui-là même où auraient flotté les cendres de l’architecte Jean-Pierre Martin, pour me rendre au très parisien colloque Auteurs&Co, j’ai fait circuler, bien protégés dans mon sac, deux chefs-d’œuvre de la littérature française. C’est bien en ces termes que je les ai présentés aux auteurs (& co) réunis : « Deux chefs-d’œuvre de la littérature française, Du côté de chez Swann de Marcel Proust et Soumission de Michel Houellebecq. »
C’étaient les deux livres sur lesquels je travaillais à peu près parallèlement, dans ce beau collège de Looren.… > Lees verder
Approches de Proust (fragment)
[…]
Conclusion : une traduction rapprochée
D’après Antoine Compagnon, la grande originalité de Proust est que son roman peut se lire à la fois comme un roman du XIXe siècle et comme le premier anti-roman, ou méta-roman, théorisant sur son propre déroulement. Dans cette perspective, la modernité de la Recherche ne tient pas tant aux thèmes qui y sont abordés, qu’à la conscience mobile qui s’y manifeste dans une pluralité de points de vue narratifs ambigus et relatifs. C’est cette conscience mobile qui assure la richesse du style, concept que Proust a joliment décrit en 1913 comme « la qualité d’une vision », et dans un célèbre passage du Temps retrouvé, comme « la révélation de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaît le monde ».… > Lees verder
Désir de traduction : Alain Fleischer
Imaginez un univers romanesque où se croisent les mondes aussi divers que ceux d’un Kafka, d’un Perec ou d’un marquis de Sade, le tout hanté par le fantôme d’une Europe centrale baroque et grotesque. Alain Fleischer en a ouvert la voie avec un recueil de nouvelles, La femme qui avait deux bouches, pour mieux l’exploiter et le développer ensuite dans une série de romans étonnants. Troisième venu dans cette suite, Les Ambitions désavouées n’en est pas le moins ambitieux. Nous nous retrouvons, avec son héros, Léo Tigerman, dans une forêt tropicale qui, avec son sentier traçant sa route à travers les cimes des arbres et son chemin de fer poussé dans les airs, est tout aussi fantastique que la femme aux deux bouches, sans toutefois jamais quitter le monde réel : l’utopie est une ironie, la fantaisie un miroir.… > Lees verder
Cripplewood / Kreupelhout, J.M.Coetzee
Kreupelhout n’est pas du bois mort. Bois mort, deadwood: dans la mythologie du Far West américain, la ville des espoirs décus où tous les chemins finissent. Le kreupelhout, au contraire, est vivant. Comme tous les arbres, le kreupelhout aspire au soleil; mais quelque chose dans ses gènes, un mauvais héritage, un poison, tord son ossature.
En anglais comme en néerlandais, il y a un embrouillamini lexical autour des mots kreupelhout – kromhout / cripplewood – gnarlwood (gnarles, knurled, knarled: le même mot dans différentes variantes):
(1) kreupel – kruipen / creep – crouch – crutch (kruk)
(2) gnarl < gnarled, snarled (knotted) / knoers < knoestig
(3) snarl: (1) a snare (trap), (2) a tangle, knot (of hair) / knoop: knobbel, kwast (knoest), kluwen
Le kreupelhout qui ne peut se redresser, qui croît courbé, accroupi; dans les membres desquels nous découpons des béquilles (crutches) pour ceux qui ne savent que ramper (creep); arbre étêté (knotted), noueux (gnarled), galeux (snarled).… > Lees verder