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Traduire, en Europe

« La langue de l’Europe, c’est la traduction. » La citation archiconnue vient d’Umberto Eco, à qui l’on prête aussi la variante moins battue : « La langue de l’Europe, c’est le mauvais anglais. » Ensemble, ces deux sentences résument assez bien la situation linguistique et culturelle du vieux continent. Tout le monde parle anglais ou croit le parler, et en même temps les citoyens européens connaissent très peu leurs voisins, d’où un grand besoin de traductions – et de traducteurs.

La traduction littéraire est avant tout un art du voyage. Voyage linguistique, voyage culturel aussi, où le texte qui se déplace arrive à sa destination changé, prêt à commencer une nouvelle vie.… > Lees verder

Pierre Michon: L’expatriation littéraire

La discussion sur la réception de l’œuvre michonnienne au-delà des frontières françaises, je voudrais l’étendre ici à la question des enjeux littéraires de la traduction de cette œuvre. J’essaierai ce faisant de concilier deux points de vue divergents, une perspective externe et une perspective interne aux textes, strabisme qui est le lot de tout traducteur puisque tout traducteur combine la distance d’une position excentrique, étrangère à la culture et à l’histoire littéraire dans laquelle s’insère l’œuvre à traduire, et la proximité d’une fréquentation assidue et pointilleuse de cette œuvre. Autrement dit, il ne suffit pas de ‘bien traduire’; encore faut-il réfléchir sur ce qu’on traduit et sur ce que traduire veut dire.… > Lees verder

Les enjeux culturels de la traduction dans le bassin méditerranéen

MARTIN DE HAAN – Avant de présenter les participants à cette table ronde, je voudrais commencer par une petite anecdote. Nous sommes ici au bord de la Méditerranée, et il me vient l’image d’un passeur d’eau, qui est bien sûr le traducteur. Quand j’ai utilisé cette expression, passeurs d’eau, dans un manifeste pour la traduction littéraire publié en Hollande, la traduction française du terme néerlandais veerlieden a donné… « gens de plume » ! C’est que le mot veer, bac, a aussi le sens de « plume », et la traductrice a tout de suite fait le lien. Nous nous inscrivons de fait dans un double contexte, à la fois passeurs et auteurs – car une traduction n’est jamais qu’un simple déplacement où le texte reste identique à lui-même, c’est aussi un déplacement dans le sens de transformation, une création d’un texte nouveau (protégé par le droit d’auteur).… > Lees verder

La beauté difficile – quelques problèmes de lecture dans Vies minuscules

Rokus Hofstede: – Je veux vous dire d’abord que ça va être une intervention largement improvisée. Si j’ai été annoncé dans la catégorie des universitaires, c’est parce qu’il n’y avait pas de catégorie spéciale pour les traducteurs ; j’ai fait dans un lointain passé des études de sociologie mais pour ce qui est de la traduction, je suis un parfait dilettante. Je ne suis donc pas habitué à avoir un micro à la main et à parler devant des salles pleines comme celle-ci. Comme je ne me propose pas de faire un discours magistral sur la littérature en général et celle de Pierre Michon en particulier, mais plutôt de vous faire partager quelques expériences de traduction, je vais consacrer le gros de mon temps à vous donner des exemples concrets de problèmes d’interprétation et de compréhension que j’ai pu rencontrer en traduisant Vies minuscules en néerlandais.… > Lees verder

Variations sur le «moi» – en marge de Milan Kundera

Le «moi»

Le regard de l’écrivain sonde l’œuvre du peintre, à la recherche de l’essence.

L’essence: ce qui fait de l’œuvre ce qu’elle est — comme le «moi» qui frissonne dans un corps.

De ce «moi», l’écrivain dit dans l’un de ses romans, L’Immortalité: «Une fois expédiés dans le monde tels que nous sommes, nous avons dû d’abord nous identifier à ce coup de dés, à cet accident organisé par l’ordinateur divin: cesser de nous étonner que précisément cela (cette chose qui nous fait face dans le miroir) soit notre moi.»

Le «moi» comme essence et comme accident: entre ces deux pôles se meut l’œuvre de Milan Kundera.… > Lees verder

‘Mon matériau, ce n’est pas vraiment le monde’: entretien avec Michel Houellebecq

Novembre 2002. Traducteur néerlandais de Michel Houellebecq, je travaillais sur un volumineux recueil d’essais de celui-ci, quand le quotidien de Volkskrant me proposa d’aller interviewer l’écrivain pour un dossier d’entretiens avec des personnages ayant marqué l’année 2002 – l’année de la parution de Plateforme en langue néerlandaise; l’année, également, de l’attentat de Bali dont Houellebecq s’est fait le prophète malgré lui. Après avoir longtemps cherché en vain à localiser mon homme, que même son éditeur français avait perdu de vue, il m’appela depuis l’Espagne. Ayant eu la permission de l’y joindre, je me rendis donc à la côte d’Almería, dans un village naturiste quasi-désert.> Lees verder