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Traduire, en Europe

« La langue de l’Europe, c’est la traduction. » La citation archiconnue vient d’Umberto Eco, à qui l’on prête aussi la variante moins battue : « La langue de l’Europe, c’est le mauvais anglais. » Ensemble, ces deux sentences résument assez bien la situation linguistique et culturelle du vieux continent. Tout le monde parle anglais ou croit le parler, et en même temps les citoyens européens connaissent très peu leurs voisins, d’où un grand besoin de traductions – et de traducteurs.

La traduction littéraire est avant tout un art du voyage. Voyage linguistique, voyage culturel aussi, où le texte qui se déplace arrive à sa destination changé, prêt à commencer une nouvelle vie. Selon la fameuse boutade italienne (dont l’auteur, cette fois-ci, ne s’appelle pas Umberto Eco), les traducteurs sont à cause de cela des traitres qui nous bouchent la vue sur l’œuvre originale. Rien n’est plus faux : c’est dans le mouvement même que naît le sens. La première chose que nous apprend la traduction littéraire, c’est que l’original n’existe pas comme une essence figée hors du temps et de l’espace.

Voilà ce qui fait le propre de tout échange culturel : dans le contact, on est déjà autre.

[paru dans Speakers Academy magazine 2010, © Martin de Haan]